Joseph Bitamba

C’est ma première rencontre avec Joseph Bitamba, un cinéaste originaire du Burundi. Bien qu’évoluant dans la même ville, nos chemins ne s’étaient pas encore croisés.

Pour lui, le travail de cinéaste est le même partout, seul le contexte change. Dans son univers cinématographique des dernières années, on retrouve des documentaires sur la guerre et la violence faite aux femmes, surtout dans des situations de conflit. Bien que résidant de l’Ontario depuis 2003, le Burundi le rappelle toujours: son cœur y est resté accroché et n’est jamais très loin dans ses pellicules. Il vit désormais entre deux mondes l’Afrique et l’Amérique du Nord bien que ses documentaires, vus et présentés partout, font de lui un citoyen du monde.

Ce « Militant pour la paix » – c’est ainsi que se décrit Joseph Bitamba – a d’abord travaillé à la Télévision nationale au Burundi. En 2003, il s’installe à Toronto, où il fait de la scénarisation, de la réalisation et suit des stages d’écriture de scénario et de réalisation de documentaires organisés par l’ONF. Cinéaste indépendant depuis 2011, il mène sa propre barque artistique se consacrant presque exclusivement au Burundi à travers le Rwanda où il réside fréquemment.

« Je veux apprendre quelque chose aux spectateurs, les toucher à travers mes films et documentaires. Je veux faire prendre conscience aux gens des affres de la guerre. Ceux qui font la guerre en Afrique où ailleurs pensent que leurs actions sont justifiées et qu’ils doivent tuer l’autre qui hier était un frère, un parent un ami. Nous sommes en train de créer toute une génération de jeunes qui grandissent dans les guerres et qui deviennent insensibles aux autres. Quand on met un fusil dans les mains d’un gamin et qu’on le gave de bières et de drogues, la vie d’un autre n’a aucune valeur pour lui. »

Le but de Joseph est de changer le monde et de ramener la paix sur la planète tout entière. « Je sais que c’est peut-être un rêve utopique » dira-t-il « et chacun doit apporter quelque chose pour résoudre les conflits. Je veux par mes films rejoindre le plus grand nombre de gens possible. » Pour Joseph, « la paix n’a pas de prix ».

Joseph Bitamba travaille aussi dans les domaines de réconciliation et médiation qui consistent à asseoir des gens aux points de vue divergents autour d’une même table pour discuter. Au Burundi, il a ainsi réussi à mettre ensemble des politiciens et à créer un dialogue. Il a aussi impliqué des enfants de différentes collines dans des discussions sur des sujets portant sur la paix et aux différences : « Chacun filmait la réalité de l’autre pour ensuite la partager, ce faisant nous voyons que nous ne sommes pas si différents l’un de l’autre. »

Joseph a la bougeotte, il n’aime pas faire du sur place. Homme du monde, il est partout chez lui et arrive facilement à s’adapter et à faire sien tout nouvel environnement. Il découvre qu’en se déracinant, on s’enracine aussi. Dans ses voyages de découverte de l’Ontario, il a remarqué la présence et l’importance des tambours dans les rituels autochtones, ces mêmes tambours qui sont au cœur de l’identité burundaise. Ces tambours qui ramènent à la terre-mère et qui sont le symbole même de la vie. Il trouve fascinant que ces peuples ayant évolué à des milliers de kilomètres l’un de l’autre partagent cette même vénération du tambour. Il fait d’ailleurs ressortir ces similitudes dans un documentaire intitulé Tambours sacrés.

Ces derniers temps, Joseph travaille sur des sujets reliés à la violence faite aux femmes. Il veut éduquer les jeunes, surtout, à respecter les femmes. Il se penche aussi sur la situation des femmes et la violence qu’elles subissent en particulier en période de conflits.

Passionné par la photo, il dispose d’une photothèque de près de 200 000 photos de natures de gens et de voyages. Il envisage de les classer et de les publier peut-être par thème un jour. Il faudrait pour cela pouvoir rester en place, car, le voilà déjà prêt à repartir vers d’autres aventures.

Il rêve aussi de créer une école de cinéma pour les jeunes de façon à leur donner un métier et aussi de leur apprendre à regarder l’autre d’une autre façon. Il a déjà un embryon en place, il reste toujours cependant les défis financiers reliés à un tel projet et il est sûr d’y arriver.

Solide comme son arbre favori, le baobab, il verra ses projets de paix et de réconciliation prendre racine. Il en a la ferme volonté.

Un portrait signé Gabriel H. Osson.