Ottawa, le 15 juin 2016.
Allocution de Catherine Voyer-Léger, Coordinatrice générale de l’Alliance culturelle de l’Ontario, lors du lancement du livre blanc sur les arts et la culture en Ontario.
« Le lancement du Livre blanc pour le développement des arts et de la culture est un moment important pour notre secteur, parce que ce document permet de jeter un regard sans complaisance sur la situation dans laquelle les artistes et les organismes artistiques et culturels se trouvent. C’est agréable pour notre réseau de sentir que nous ne sommes pas seuls à porter les revendications concernant la santé du secteur.
Il y a un an, le Gouvernement de l’Ontario adoptait sa première Stratégie de développement culturel. On pourra trouver qu’il est peu question des francophones dans cette stratégie, mais je crois que nous pourrions nous y faire une place : les grandes priorités identifiées sont similaires aux nôtres. Ce qui me préoccupe davantage c’est que cette stratégie n’était assortie d’aucune nouvelle enveloppe (une fois de plus, on nous demande de développer sans investissement) et surtout que nous n’avons plus jamais entendu parler de celle-ci depuis son lancement. J’espère que le lancement du Livre blanc permettra de faire des ponts entre ces deux documents complémentaires.
Notons aussi que le dernier budget provincial a consenti une hausse de 5 millions de dollars au budget du Conseil des arts de l’Ontario, celui-ci se chiffrant maintenant à 65 millions de dollars. Mais cette hausse est nettement insuffisante et permettra à peine de restreindre les préjudices que nous anticipions pour les prochaines années. Le Livre blanc demande que le budget du Conseil des arts de l’Ontario soit doublé, mais aussi que cette hausse soit assortie d’objectifs spécifiques en ce qui concerne le soutien aux arts francophones. Vous comprendrez que nous sommes loin du compte et nous sommes particulièrement inquiets.
J’ajouterais que même si le Livre blanc démontre bien que la situation de sous-financement chronique du secteur est inquiétante, entre autres en ce qui concerne la santé des centres culturels, le Livre blanc nomme bien d’autres défis encore, dont certains s’adressent à notre milieu. Je parle par exemple de la nécessité de faire une meilleure place aux artistes de la diversité ethnoculturelle dans notre secteur. Cette recommandation, l’Alliance la prend pour elle et compte accélérer ses efforts à cet égard dans les prochains mois. Je pense aussi au défi de la recherche qui permettrait de mieux documenter notre situation. L’Alliance sera toujours prête à participer à ces efforts qui sont nécessaires pour que nous puissions planifier un développement à long terme.
Les quelques exemples que j’ai donnés ne sont pas exhaustifs. Bien d’autres priorités pourraient être soulignées : la question des infrastructures, le lien entre les arts et le milieu de l’éducation, le rayonnement de nos artistes, la fragilité de la chaîne du livre en Ontario.
En terminant, j’aimerais insister sur un autre point : ce Livre blanc est aussi à nos yeux une occasion non négligeable de créer des liens plus forts avec les autres acteurs de nos communautés pour que les arts et la culture soient considérés par tous comme un secteur de développement d’importance. Les arts et la culture ne sont pas que du divertissement : ils sont aussi un lieu de recherche et de création, de réflexion sur le monde, de capacité d’expression et, bien entendu, de vitalité du français dans nos communautés. Depuis plus de 40 ans, le secteur des arts et de la culture s’est largement professionnalisé en Ontario français : des activités de médiation auprès des jeunes jusqu’aux succès nationaux et internationaux de certains de nos artistes, le spectre de nos activités est large. Le travail accompli a été titanesque : il ne faut pas s’arrêter.
Trop souvent, dans notre société, les arts et la culture sont perçus comme un luxe, un surplus, une question qui méritera d’être posée quand tous nos autres problèmes seront réglés. J’ai envie que la position que nous défendons reconnaisse ce secteur comme un de ceux qui permet l’innovation et le rêve, la remise en question et la communion, l’émotion et la réflexion, la beauté, mais aussi les chocs constructifs. Les arts et la culture peuvent être le lieu primordial de toutes les diversités et c’est à ce titre que nous souhaitons d’une part que tous nos concitoyens franco-ontariens reconnaissent le développement de ce milieu comme une priorité et que l’expertise de ceux qui y oeuvrent soit reconnue, qu’on se tourne vers eux quand on souhaite faire une place à la création dans nos municipalités, dans nos événements, dans nos écoles et partout ailleurs.
Notre souhait, à l’Alliance culturelle de l’Ontario, c’est que ce Livre blanc soit aussi le véhicule pour permettre à tous de reconnaître qu’une communauté franco-ontarienne en santé sera aussi une communauté qui chante, qui joue, qui vibre, qui lit et écrit. Et que pour cette communauté créative existe, nous avons profondément besoin que les arts et la culture deviennent l’affaire de tous.
Merci! »